LE THÉÂTRE IVOIRIEN À BÉJAÏA : ENTRE MEMOIRE,  NOUCHI ET RENOUVEAU

Lors du Festival international du théâtre de Béjaïa, le Professeur Voho Sahi a retracé l’évolution du théâtre ivoirien, de ses racines coloniales à ses formes contemporaines. Il a souligné l’importance des langues populaires comme le Nouchi dans la création théâtrale africaine.

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Le théâtre ivoirien à l’honneur au Festival de Béjaïa

Du 10 au 17 octobre 2025, la ville algérienne de Béjaïa accueille le Festival international du théâtre (Fitb). En marge de l’événement, un colloque sur « Les langues populaires dans le théâtre africain » a réuni plusieurs figures du monde culturel, dont le Professeur Alphonse Voho Sahi, ambassadeur de Côte d’Ivoire en Algérie.

Nouchi et théâtre : une langue du peuple sur scène

Dans une intervention marquante, le Professeur Sahi a conclu son exposé en Nouchi, argot ivoirien mêlant français et langues locales :

« Si toi, tu veux faire théâtre pour nous là, faut que ton gbonhi tchatche en Nouchi, sinon ton affaire va dormir ! »

Ce moment savoureux, aussitôt traduit en français académique, illustre la cohabitation entre langue savante et parole populaire, entre tradition et modernité.

Une fresque historique du théâtre ivoirien

L’exposé du Professeur Sahi a retracé l’évolution du théâtre ivoirien :

1932 : naissance dans une école coloniale  

À Bingerville, deux élèves écrivent une saynète contre le travail forcé, encouragés par leur instituteur Charles Béart. Ce geste fondateur marque le début d’un théâtre engagé.

Des figures emblématiques  

Bernard Dadié, Amon d’Aby, Coffi Gadeau… Ces pionniers ont façonné une conscience collective et donné au théâtre une fonction éducative et sociale.

Une scène panafricaine  

En 1969, Bernard Dadié présente « Monsieur Tôgôgnini » au premier festival culturel panafricain à Alger. Le titre en malinké crée une complicité avec le public africain.

« Le théâtre, c’est la vie mise en scène. Et la vie d’un peuple mérite toujours d’être jouée, racontée et partagée », a affirmé le Professeur Sahi.

Esthétiques et renouveau

1970–1990 : explosion des styles  

Le théâtre ivoirien devient un laboratoire d’idées :  

– Griotique de Niangoran Porquet  

– Kotéba de Souleymane Koly  

– Didiga de Zadi Zaourou  

– Théâtre rituel de Wêrê Wêrê Liking  

Cette période marque l’émergence d’un théâtre critique, pédagogique et ouvert sur le monde.

1990–2000 : période de sommeil  

Les crises politiques et économiques fragilisent les institutions culturelles.

2000–2025 : renaissance populaire  

L’humour, la satire et le théâtre de rue prennent le relais, plus proches du peuple et plus libres.

 L’avenir du théâtre africain

Le Professeur Voho Sahi conclut sur une note d’espoir : l’avenir du théâtre repose sur la jeunesse et une coopération équilibrée entre les nations africaines.