ANTIBIOTIQUES : LE QUÉBEC ALERTE SUR UNE RÉSISTANCE RECORD, LES MÉDECINS TIRENT LA SONNETTE D’ALARME
La résistance aux antibiotiques atteint un niveau critique au Québec. Des infections autrefois bénignes deviennent plus difficiles à traiter, poussant médecins et chercheurs à parler d’une véritable « pandémie du futur ».
La résistance atteint un niveau critique
La résistance aux antibiotiques connaît une hausse sans précédent au Québec. Selon l’Institut national de santé publique du Québec (INSPQ), des infections urinaires, respiratoires ou cutanées — autrefois simples à traiter — deviennent aujourd’hui de véritables casse-têtes pour les médecins.
« Nous sommes en train de perdre la course », alerte la microbiologiste-infectiologue Judith Fafard de l’INSPQ.
Les superbactéries évoluent plus vite que le développement de nouveaux médicaments, provoquant une inquiétude croissante dans les hôpitaux comme au sein de la population.
Des traitements plus lourds pour les patients
Pour les malades, cela se traduit par des traitements plus longs, plus coûteux et parfois administrés à l’hôpital.
C’est le cas d’Yvan Savoie, un septuagénaire de Laval, contraint à recevoir des antibiotiques par intraveineuse après l’échec d’un premier traitement oral.
« On m’a dit : On ne prend pas de chances », témoigne-t-il, après avoir subi un protocole lourd et des effets secondaires importants.
Les médecins observent de plus en plus de situations similaires.
« Il est devenu fréquent de revoir les patients après un premier antibiotique infructueux », explique la Dre Patricia Goulet, médecin de famille à Shawinigan.
Une course contre la montre pour le corps médical
Les professionnels de santé doivent souvent adapter leurs prescriptions.
Pour certaines infections pédiatriques ou cutanées, les traitements par injection deviennent désormais la norme. Ces procédures nécessitent des analyses complémentaires, alourdissant le coût pour le système de santé.
La Dre Goulet insiste : « Prendre des antibiotiques sans nécessité renforce la résistance pour les prochaines fois ».
Une position partagée par la Dre Fafard, qui ajoute :
« Mieux vaut prévenir que d’entrer dans une course aux armements avec des doses toujours plus fortes. »
Des chiffres alarmants
Après dix ans de surveillance, l’INSPQ a constaté une explosion des bacilles à Gram négatif producteurs de carbapénémases (BGNPC) : ils ont touché 63,3 % des établissements en 2023-2024, soit une hausse de près de 50 % en cinq ans. Ces bactéries provoquent des infections plus invasives, avec un taux de mortalité accru.
En parallèle, le nombre de souches de gonorrhée résistantes aux antibiotiques a atteint un record en 2023 — le plus élevé depuis 25 ans. À Montréal, la shigellose multirésistante est aussi en progression, illustrant l’ampleur du phénomène.
Une menace mondiale
La résistance bactérienne n’est pas propre au Québec. Dans de nombreux pays, notamment en Europe et en Asie, les antibiotiques sont vendus en libre-service, contribuant à l’accélération du problème.
« C’est la pandémie du futur », prévient le microbiologiste Karl Weiss, qui redoute de devoir importer des molécules plus puissantes, coûteuses et parfois toxiques pour lutter contre ces infections tenaces.
