GOLFE DE GUINÉE : RIVALITÉ PORTUAIRE POUR CONQUÉRIR LES MARCHÉS SAHÉLIENS

Abidjan, Tema et Lomé s’affrontent pour devenir la porte maritime privilégiée des pays sahéliens enclavés.

GBAGBO 02

Une compétition stratégique pour le Sahel

Investissements massifs, modernisation des infrastructures et diplomatie économique rythment la compétition entre les ports d’Abidjan, de Tema et de Lomé. L’objectif : capter les flux commerciaux à destination du Mali, du Burkina Faso et du Niger, membres de l’Alliance des États du Sahel (AES). Ces ports, voisins et rivaux, se disputent le rôle de principal débouché maritime vers ces économies enclavées.

Abidjan : Le géant ivoirien consolide son avance

Avec 40 millions de tonnes de marchandises traitées en 2023, le port d’Abidjan reste le leader régional. Il représente 75 % du commerce extérieur ivoirien et génère 79 % des recettes douanières du pays. Entre 2023 et 2024, le trafic a progressé de 15 %, et le transport de conteneurs a bondi de 30 %, atteignant 1,6 million d’EVP.

Cette performance repose sur une décennie d’investissements (1 100 milliards de FCFA), ayant permis :

  • L’élargissement du canal de Vridi
  • La mise en service du terminal TC2
  • Le développement de zones industrielles

Grâce à un tirant d’eau de 18 mètres, Abidjan accueille les plus grands navires. Des plateformes logistiques à Ferkessédougou, Bouaké et San Pedro renforcent sa connectivité vers le Sahel. Toutefois, cette activité intense engendre des congestions : jusqu’à 58 navires en attente hebdomadaire en février 2025.

« Véritable poumon économique de la Côte d’Ivoire, le port d’Abidjan concentre à lui seul 75 % du volume du commerce extérieur ivoirien. »

Tema : L’ambition ghanéenne prend forme

Le port de Tema se positionne comme le futur centre logistique de l’Afrique de l’Ouest. En 2024, il a traité 1,70 million d’EVP, dépassant Abidjan sur ce segment. Le consortium MPS et l’autorité portuaire ghanéenne ont investi plus d’un milliard de dollars pour porter la capacité à 3,7 millions d’EVP d’ici fin 2025.

Atouts majeurs :

  • Terminal 3 en expansion avec quatre postes d’amarrage en eau profonde
  • Ligne ferroviaire Tema-Mpakadan reliant directement le Burkina Faso
  • Réformes fiscales pour réduire les redevances portuaires

Malgré des congestions (17 à 18 porte-conteneurs en attente en avril 2025), Tema affiche une croissance rapide et une stratégie bien définie.

Lomé : Le spécialiste du transit régional

Le port de Lomé, avec 1,91 million d’EVP en 2024, est le premier port à conteneurs d’Afrique de l’Ouest. Sa force réside dans :

  • Des infrastructures modernes
  • Une digitalisation avancée
  • Une spécialisation dans le transit

Seulement 4 à 6 % des marchandises sont destinées au Togo. Lomé est devenu la principale porte d’entrée du Burkina Faso, avec 45 % de ses importations transitant par ses quais.

Diplomatie et influence : un levier décisif

La rivalité portuaire dépasse le cadre technique. En 2025, le président ghanéen John Dramani Mahama a effectué une tournée dans les capitales sahéliennes pour promouvoir Tema. Résultat : le Burkina Faso prévoit d’y acquérir un dépôt d’hydrocarbures de 70 millions de dollars, soutenu par le capitaine Ibrahim Traoré.

« Le Burkina Faso a annoncé son intention d’acquérir un dépôt d’hydrocarbures de 70 millions de dollars à Tema. »

Une course toujours ouverte

La Côte d’Ivoire poursuit ses efforts : le Port Autonome d’Abidjan s’est récemment doté d’un dock flottant de 12 000 tonnes pour renforcer ses capacités de réparation navale. Abidjan conserve une avance en volume, mais Tema progresse rapidement. Lomé, quant à lui, s’est imposé comme un acteur incontournable.

L’avenir des échanges entre le Golfe de Guinée et le Sahel dépendra de la fluidité des corridors logistiques, des alliances politiques et de la capacité des ports à absorber la croissance du trafic.